Voilà un texte qui à été l'objet d'un billet précédent. Il s'agit de 'Un modèle de foi Shinshû'(+appendices) écrit par ryosetsu Fujiwara, un auteur de qualité qui traite ici de l'enseignement de la Terre pure transmis par maître Shinran dans sa globalité, sous forme de questions-réponses, ces dernières ayant le grand avantage d'être très courtes. Que vous n'y connaissez rien à la Jôdo shinshû(école -ou enseignement véritable de la terre pure) ou que cela fasse des années que vous la connaissez, ce texte est d'un grand intérêt.
J'ai décidé de faire un copié-collé de ce texte mais de morceler celui-ci en fonction de ses grandes parties(I.II....). Ici je poste la première : 'Notions préliminaires' -en 15 questions- qui s'adresse plus particulièrement à ceux qui ne connaisse pas ou peu notre école et l' enseignement. Dans la deuxième partie nous sauterons à pied joint dans l'enseignement avec le Bouddha Amida.
La traduction comme l'annotation sont du révérend Jérôme Ducor. Je m'excuse de n'avoir pas pu retranscrire les kanji (caractères sino-japonais) comme dans la traduction initiale. Cependant cela n'alterera en rien me semble-t-il la compréhension du texte.
Un modèle de la foi du Jōdo-Shinshū
Introduction du document par Rev. Jérôme Ducor :
Le texte présenté ici est la traduction adaptée d'une brochure
publiée en anglais par le Révérend Fujiwara Ryōsetsu
(1905-1998) : A Standard of Shinshu Faith
Ce document présente un intérêt particulier, qui tient à la double
qualité de son auteur. Abbé du temple Shōōji, à Izumo, le
Rév. Fujiwara avait été formé selon la manière la plus classique à
l'étude du Jōdo-Shinshū dans les institutions de sa branche
Honganji : il y reçut le plus haut grade scolastique, qui est celui de
conseiller scolastique (kangaku), tout en enseignant à
l'Université Ryūkoku (Kyōto). Mais, en outre, le Rév. Fujiwara
vécut pendant plusieurs années aux Etats-Unis, où il enseigna à
l'Institut d'études bouddhiques de Berkeley fondé par la
communauté Honganji américaine (Buddhist Churches of
America, BCA). Ses compétences le firent également se joindre au
Centre de traduction des Ecritures bouddhiques de l'Université
Ryūkoku (RTC), où il publia sa traduction anglaise commentée du
Tannishō, et il participa de même aux enseignements dispensés au
Honganji dans le cadre de la préparation à l'ordination des
étrangers.
Le Rév. Fujiwara composa le Standard of Shinshu Faith comme
manuel de cours à l'intention des étudiants avancésdu programme
de formation des laïcs développé par les BCA. Pour ce faire, il
s'inspira des « sujets de discussion » (rondai) formulés par le
Honganji en vue de définir avec précision la doctrine du
Jōdo-Shinshū. Mais le grand mérite de notre auteur est d'avoir su
adopter un style à la fois clair et concis, tout en s'adaptant à la
logique du lecteur occidental auquel il s'adressait.
Ayant tiré un grand profit de cet opuscule, j'ai pensé qu'il serait
utile de le traduire, dans l'espoir qu’il profite ainsi au lecteur
francophone. En tant que manuel de cours, son texte est très
condensé et nécessiterait de nombreux commentaires.Cependant,
je me suis efforcé de rester fidèle à son style en me contentant de
quelques compléments signalés entre crochets dans le texte, ou
renvoyés en notes de bas de page. En outre, les citations des
Ecritures ont été traduites sur l’original, et non sur l’anglais. Enfin,
j’ai ajouté les références scripturaires ainsi que les caractères
chinois à l’intention des lecteurs qui voudraient approfondir leurs
recherches.
On pourrait s'étonner qu'une tradition réputée pour sa simplicité
ait tenu à donner des définitions aussi détaillées de sa doctrine.
C'est que cette simplicité apparente peut porter à des déductions
hâtives, soit par carence d'informations sur certaines notions
générales du bouddhisme, soit par manque d'une vue homogène et
équilibrée de l'enseignement du Jōdo-Shinshū. Shinran lui-même
dut dénoncer diverses déviations doctrinales apparues chez
certains de ses disciples, et d'autres divergences se manifestèrent
aussi dans les siècles suivants. Les unes et les autres sont
répertoriées par le Rév. Fujiwara à la fin de son exposé, afin de
prévenir ces « hétérodoxies » (igi), ou interprétations
étrangères à l'enseignement de Shinran, qui peuvent nuire non
seulement au progrès spirituel de leurs partisans mais aussi à celui
d'autrui. A l'inverse, cette énumération permet également de
définir ce que la doctrine du Jōdo-Shinshū n'est pas. Certes, la
connaissance de ces explications détaillées n'est pas nécessaire
pour expérimenter la foi du Jōdo-Shinshū! Cependant, elles se
révéleront utiles à ceux qui veulent approfondir la doctrine de
Shinran et, a fortiori, à ceux qui ont charge d'enseignement.
En appendice, on trouvera les principaux vœux contenus dans le
Sūtra de Vie-Infinie, auxquels se réfère le Rév. Fujiwara. S'y
ajoutent le Symbolede la foi, qui est encore utilisée de nos jours
dans le rituel, ainsi que la Règle de la branche Honganji du
Jōdo-Shinshū, qui constitue la définition officielle de cette école.
Enfin, cet opuscule s'achève par deux textes du 23
e patriarche Shōnyo Shōnin (Ōtani Kōshō, 1911-2002),
qui fut le premier patron des Communautés Shinshū d’Europe.
Puissent tous les êtres connaître le vrai bonheur !
I. Notions préliminaires
1. Qu'est-ce que le Jōdo-Shinshū?
- Le Jōdo-Shinshū est l'enseignement du Buddha
Śākyamuni tel qu'il nous a été transmis à travers l'expérience
religieuse de Shinran (1173-1263).
2. N'y a-t-il pas d'autres appellations pour « Jōdo-Shinshū»?
- Jōdo-Shinshū peut être abrégé en « Shinshū »2.
En traduction, on utilise aussi le nom de « Bouddhisme Shin »
ou de « Shin » tout court.
ou de « Shin » tout court.
3. Pour quelle sorte de gens le Shinshū a-t-il été enseigné ?
- Le Shinshū est un enseignement de portée universelle, qui
s'adresse à l'Humanité toute entière. Cependant, cet enseignement
vise principalement ceux qui sont spirituellement ignorants ou
portés à faire le mal. Le Shinshū ne s'adresse pas en priorité à des
gens doués, saints et sages.
4. En quoi le Shinshū est-il l'une des formes du bouddhisme, et non
pas une religion distincte de ce dernier ? - Les enseignements de Śākyamuni se divisent en Petit Véhicule
(hinayāna, shōjō ), et Grand Véhicule (mahāyāna, daijō).
Le Shinshū est un enseignement du Grand Véhicule et il fait
donc pleinement partie du bouddhisme.
5. Pourquoi inclure le Shinshū dans le Grand Véhicule ?
- Mahāyāna signifie « grand véhicule - ou enseignement - faisant
traverser les multitudes innombrables du cycle des naissances et
des morts (saṃsara) au nirvāṇa». Or, le Shinshū permet à tous
les êtres d'atteindre le nirvāṇa et d’œuvrer en faveur des autres;
c'est donc un enseignement conforme aux principes du Grand
Véhicule.
6. D'autres systématisations montrent-elles la relation entre le
Shinshū et l'enseignement de Śākyamuni ?
- Daochuo, le 4e des Sept Religieux Eminents du Shinshū3 a classé
- Daochuo, le 4e des Sept Religieux Eminents du Shinshū3 a classé
tous les enseignements bouddhiques en « méthode de la voie des
saints » (shōdōmon) et « méthode de la Terre pure »
(jōdomon)4
Le Shinshū fait partie de la méthode de la Terre pure. En effet,
il affirme que, pour ses fidèles, le parfait éveil n'est accessible que
dans la Terre pure, et que la naissance dans la Terre pure est
atteignable par l'éveil de la foi du Pouvoir autre(tariki).
Tandis que la méthode de la voie des saints enseigne comment
atteindre l'éveil en cette vie, par nos propres forces. La méthode de
la voie des saints constitue donc l'école du pouvoir personnel
(jiriki).
7. Le Shinshū est-il donc une école du Pouvoir autre ?
- Oui, le Shinshū peut être désigné comme une école du Pouvoir
autre parce qu'il enseigne que les êtres ordinaires5 comme nous ne
peuvent atteindre le nirvāṇa qu'à travers le Pouvoir autre. Tanluan,
le 3e des Sept Religieux Eminents du Shinshū a été le premier à
souligner cela6.
8. Que signifie « Pouvoir autre»?
- Shinran définit le Pouvoir autre comme le « pouvoir du vœu
primordial du Venu-de-l’ainsité »7. Seul le vœu de compassion
d'Amida peut nous mener à l'éveil de la foi, puis à l'éveil
proprement dit. Si nous pensons accomplir quelque chose de
vertueux par notre pouvoir personnel, c'est que nous sommes
attachés à notre ego. Cela serait clairement opposé à
l'enseignement bouddhique sur le non-attachement (mujaku),
l'absence d'ego (muga) et le déroulement naturel des choses
(jinen).
9. Le Shinshū a-t-il encore un sens aujourd'hui ?
- Tant qu’existent des êtres ordinaires comme nous, le Shinshū
- Tant qu’existent des êtres ordinaires comme nous, le Shinshū
conserve tout son sens. Le Shinshū n'a pas été enseigné
principalement pour les moines et les nonnes, mais plutôt pour les
laïcs. Amida n'est pas tant concerné par les saints, qui peuvent
transcender la vie séculière et atteindre le nirvāṇa par leur pouvoir
personnel; les enseignements du Shinshū visent tous ceux qui sont
liés par les passions humaines dévorantes et accablés par les
nombreuses souffrances du monde. Autour de nous, le monde tout
entier souffre de cette crise crée par notre ego insondable. Dans
l'instabilité et l'agitation du monde actuel, nous pensons d'autant
plus que le Shinshū- en raison de la simplicité de sa pratique aussi
bien que de l'excellence de sa doctrine - est la voie la plus
immédiate pour trouver la paix spirituelle éternelle et infinie.
10. Quel fut le premier maître à désigner cet enseignement sous le
vocable de « Shinshū»ou de « Jōdo-Shinshū»?
- Shandao, le 5e des Sept Religieux Eminents, utilisa le terme
- Shandao, le 5e des Sept Religieux Eminents, utilisa le terme
Shinshūdans ses écrits8 .Hōnen, le 7e de ces Religieux, se fondait
exclusivement sur Shandao et il réunit ses disciples sous le nom de
Jōdoshū (Ecole de la Terre pure)9. Mais ce fut Shinran qui
dénomma Jōdo-Shinshū ce courant du nembutsu.
11. Qu'entendait Shinran par « Jōdo-Shinshū»?
- Littéralement, jōdosignifie « terre (do) pure (jō) »; shinsignifie «
- Littéralement, jōdosignifie « terre (do) pure (jō) »; shinsignifie «
véritable », et shūsignifie « principe », « enseignement » ou «
école ». Pour Shinran, Jōdo-Shinshū signifiait « Enseignement
véritable de la Terre pure » ou « Enseignement véritable de l'Ecole
de la Terre pure »10
12. Ce n'est donc pas le nom d'une école fondée par Shinran ?
- Pas à l'origine. Shinran lui-même utilisait cette appellation pour
- Pas à l'origine. Shinran lui-même utilisait cette appellation pour
désigner « l'enseignement véritable » (shinshū) que lui avait
transmis son maître Hōnen. L'intention de Shinran en écrivant son
œuvre principale, le Kyōgyōshinshō, était seulement de clarifier
l'essence de cet enseignement. Il n'avait donc pas l'intention de
fonder une école nouvelle. Il respectait de tout cœur Hōnen
comme l'enseignant et le fondateur du Jōdo-Shinshū.
Cependant, cette attitude d'effacement de Shinran lui attira encore
plus de respect de la part de ses propres disciples, et une nouvelle
école se créa spontanément. Ainsi, ses disciples en vinrent à
considérer Shinran comme leur fondateur (shūso) et ils
nommèrent « Jōdo-Shinshū» cette nouvelle école.
13. Puisque Shinran ne se considérait pas lui-même comme un
fondateur, comment ses adeptes en vinrent-ils à fixer une date
pour la fondation du Jōdo-Shinshū en tant que nouvelle école ?
- C'est graduellement qu'ils la fixèrent à 1224 (1 ère année de l'ère
- C'est graduellement qu'ils la fixèrent à 1224 (1 ère année de l'ère
Gennin, sous le règne de l'empereur Go-Horikawa). Cette année
étant mentionnée dans le Kyōgyōshinshō11, on a supposé que c'est
la date à laquelle Shinran acheva cet ouvrage, dans lequel il utilise
le terme « Jōdo-Shinshū» et révèle la vérité de cet enseignement.
14. Dans la transmission du Shinshū, quelle est la norme pour
déterminer si certaines opinions sont correctes ou non ?
- D'une manière générale, la norme est constituée par les Ecritures
- D'une manière générale, la norme est constituée par les Ecritures
du Shinshū, tels les Trois Sūtra fondamentaux, les commentaires
des Sept Religieux Eminents, les écrits du fondateur Shinran et les
enseignements des patriarches du Honganji. Mais le canon
fondamental est le Sūtra de Vie-Infinie(ou Grand Sūtra) avec les
propres écrits de Shinran.
15. Doit-on tenir compte de certains points particuliers en
diffusant l'enseignement du Shinshū?
- Oui. Pour une meilleure compréhension du Shinshū et pour
- Oui. Pour une meilleure compréhension du Shinshū et pour
éviter des interprétations erronées, la branche Honganji12 a
sélectionné un certain nombre de sujets de discussion sur la
doctrine et sur la foi. Les sujets de discussion sur la foi sont au
nombre de trente13 . Leur formulation originelle n'est pas aisée à
comprendre en raison de leur terminologie et de leurs expressions
classiques. C'est pourquoi l'auteur de ces lignes s'est efforcé
de résumer les principaux d'entre eux et les a réorganisés, dans
de résumer les principaux d'entre eux et les a réorganisés, dans
l'espoir de constituer un guide utile pour ceux qui s'engagent dans
la diffusion du Shinshū en Occident.
(à suivre)
suite :
___________________________________
10 Shinran utilise ce nom dans les deux sens suivants : a) la méthode de la
(à suivre)
suite :
___________________________________
2 A ne pas confondre avec shintō (« voie des esprits »), nom de la
religion indigène du Japon.
3 Les Sept Religieux Eminents (shichi kōsō) sur lequel se fonde
Shinran sont les Indiens Nāgārjuna (IIes.) et Vasubandhu (IVes.),
les Chinois Tanluan (476-542), Daochuo (562-645) et Shandao (613-681),
ainsi que les Japonais Genshin (942-1017) et Hōnen (ou Genkū , 1133-1212).
4 V. son Recueil de Bonheur-Paisible, cité par Hōnen : Le Gué, p. 43-46.
5 Les êtres ordinaires (bombu) sont tous ceux qui sont incapables de
se sanctifier en cette vie-ci, contrairement aux saints (shōja).
6 V. le Commentairede Tanluan, cité par Hōnen : Le gué, p. 53-54.
7 V. plus bas (dans autre partie bientôt diponible)
: V-6. « Venu-de-l’ainisté » est l'un des titres de tout Buddha
: V-6. « Venu-de-l’ainisté » est l'un des titres de tout Buddha
(v. plus bas, II-12), mais s’applique ici au BuddhaAmida.
8 V. la conclusion de son Commentaire (vol. 4), citée dans le
Kyōgyōshinshō(ch. II-72; CWS, p. 55).
9 V. Le gué, p. 197 et suivantes.
10 Shinran utilise ce nom dans les deux sens suivants : a) la méthode de la
Terre pure (jōdo) est l’enseignement véritable (shinshū) du Buddha
(jōdo sunawachi shinshū), la raison de sa venue en ce monde; b) l’enseignement
reçu par Shinran est l’enseignement véritable de l’Ecole de la Terre pure de
Hōnen (Jōdo no shinshū), par opposition aux interprétations de certains de
ses autres disciples.
11 Ch. VI-79 (CWS, p. 244).
12 Liste détaillée dans appendice Chapitre III
13 En 1925, le Collège des conseillers scolastiques du Honganji
(Kangakuryō) a arrêté 100 sujets de discussion, dont 70 portant sur la
doctrine (kyōgi rondai) et 30 sur la foi (anjin rondai); ces
derniers ont été ramenés à 25 en 1964, et à 17 en 2002.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire